Lean, oh ma Line !

Je ne puis être suspect d’avoir une réserve vis-à-vis de l’importation dans le secteur public de techniques de management du privé. Je l’ai fait comme dirigeant d’administrations publiques lorsque l’apport de ces techniques me permettait de réaliser les objectifs managériaux que j’avais définis avec mon comité de direction.

Dans le cas de Lean, j’avoue cependant mon scepticisme : voici un outil qui est utilisé depuis des décennies dans l’industrie et subitement, par un effet de mode ou par le jeu de certains hommes politiques et de consultants, son développement apparaît comme une nécessité et l’instrument miracle pour répondre aujourd’hui aux contractions budgétaires que l’on connaît, alors que ces contraintes existent dans le secteur public certainement au moins depuis le milieu des années 80.

Quand on jette un regard sur le développement de la plupart des expériences lean au niveau fédéral de ces dernières années, on se rend compte qu’elles portent essentiellement sur les processus afin d’augmenter l’efficience de ceux-ci. Bien sûr, on pourrait me répondre que c’est l’accès au premier niveau de maturité, le second niveau étant l’intégration des besoins des clients dans la démarche.

Ceci rejoint le constat fait récemment pour la réforme des polices : dans sa thèse de doctorat sur cette réforme, Claude Bottamedi -qui est aussi chef de corps d’une zone de police- écrit qu’à force de se pencher sur comment on fonctionne, on oublie l’objectif, le citoyen. D’autres experts soulignent que la Belgique est un des rares pays d’Europe à ne pas centrer d’abord l’action des corps de police sur les quartiers proches des citoyens.

Je suis donc de plus en plus convaincu qu’il faut abandonner l’approche centrée sur l’efficience au profit d’une approche centrée sur les besoins des clients. L’enjeu est d’abord de connaître les besoins des clients, ainsi que les causes de son insatisfaction, à travers l’analyse des réclamations (registre des plaintes de première ligne et plaintes introduites auprès des services de médiation). Ce n’est qu’après cette exploration de la valeur de ce que l’on fournit comme produits et services pour le client qu’on peut en déduire en équipes les processus optimaux et efficients pour y arriver.

Ceci implique une réorganisation totale de l’approche dans toutes les administrations où il n’y a pas de démarche structurée d’identification des besoins du client. Je ne veux pas dire par là que les services publics ne sont pas attentifs à une qualité de service, j’entends par là qu’il n’y a pas de processus réfléchi, appliqué et systématisé d’appréhension des besoins de leurs clients qui permette une mise à jour régulière des processus et des services : systématisé, c’est-à-dire inscrit dans un cycle de gestion.

Ceci rejoint les enjeux essentiels et les plus novateurs de lean : en premier lieu rechercher ce qui permet de satisfaire le client, ensuite éviter les gaspillages dans la recherche de l’efficience et en conséquence développer le personnel pour y arriver. Le tout dans une démarche permanente de travail sur le terrain avec les collaborateurs.

La recherche de l’équilibre budgétaire est voulue par nos gouvernements. La sélectivité dans le remplacement des agents va certainement croître. Ce serait une erreur managériale d’aborder cette question sous l’angle premier de l’efficience. Il est préférable de l’aborder prioritairement sous l’angle des besoins, des produits et services qui donnent de la valeur ajoutée aux clients-utilisateurs du service public.

La recherche de l’efficience nécessaire viendra à partir de la réponse à cette question centrale : qu’est-ce qui fait la différence pour le client du service public ?

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