Vingt minutes pour voir, ressentir et créer

Mon professeur de Tai Chi m’a souvent dit : « Il te faut au moins vingt minutes de pratique quotidienne pour que l’énergie circule bien dans ton corps ».

Cette norme des vingt minutes, je l’ai retrouvée dans des contextes très différents.

Dans son livre « On peut se dire au revoir plusieurs fois », David Servan-Schreiber décrit sa volonté de réserver « quinze à vingt minutes, deux fois par jour, à cet exercice vital »  qu’est pour lui la pleine conscience pour développer un calme intérieur. Il explique combien cela aidé dans son combat contre le cancer.

Sur un tout autre plan, dans le code français du travail, il est précisé que le salarié bénéficie d’un temps de pause d’une durée minimale de vingt minutes dès que le temps de travail quotidien atteint six heures. Ou encore cette recommandation en cas de brûlure de laisser la partie du corps brûlée sous l’eau courante pendant vingt minutes comme premier soin. Ou encore, pour les bébés, le conseil de consacrer une période raisonnable d’environ 20 minutes à la durée des repas : de cette façon, les enfants peuvent mieux reconnaître leurs signaux de faim et de satiété (absence de faim).

Revenons sur le terrain du management. Plus récemment dans un livre récent consacré au Lean management, Michael Ballé et Godefroy Beauvallet explique « qu’il faut effectivement avoir de la discipline pour rester au moins vingt minutes devant une situation pour commencer à regarder, c’est-à-dire à dépasser le stade  de voir seulement en fonction de ce que l’on pense ou connaît déjà ». Apprendre à voir est un élément clé de l’approche Lean.

Dans la pratique de la qualité chez Toyota, il est recommandé au superviseur d’équipes d’investir au moins vingt minutes par jour dans la formation d’un des membres de l’équipe.

Dans les réunions des conseils d’administration et des comités de direction, pratiquer vingt minutes par point impliquerait de centrer ces réunions sur les priorités, le reste pouvant être délégué. Cette pratique favoriserait la création et permettrait de créer les conditions pour faire vraiment le tour du sujet et éviter de ne retenir que les premières solutions qui viennent à l’esprit. Autre exemple pour souder les membres d’un conseil ou d’un comité : consacrer régulièrement vingt minutes à un échange sur les pratiques réussies vécues par les participants.

L’objectif n’est vraiment pas de pouvoir annoncer lors de la réunion du personnel de début d’année que l’organe a traité 2648 points …

Que serait-ce donc que cette « norme » des vingt minutes : la durée minimale pour prendre conscience de ce qui se passe en soi ou autour de soi afin d’obtenir un premier changement d’état, pour vivre à fond ses émotions et ne pas les rejeter dans son inconscient? Ou encore la durée minimale pour faire prendre conscience à l’autre du regard que vous posez sur lui dans son travail, à travers un dialogue de feed-back ou un entretien de fonctionnement. Dialogue que l’on souhaite parfois très court pour éviter la confrontation.

Je sais, vingt minutes, c’est déjà beaucoup, dans la société de l’urgence caractérisée, pour reprendre les mots du sociologue David Le Breton, « par la hantise de la désynchronisation, celle de ne plus être en phase avec l’actualité de sa propre vie prise dans le filet des bouleversements sociaux et professionnels, une urgence qui n’en finit jamais de jouir de son existence, et amène à un temps séquencé allant d’une tâche à l’autre, ou plutôt de la résolution d’une tension à l’autre » (Libération du 2 juin 2014).

Et pourtant, c’est ce que je vous recommande pour entrer progressivement dans l’univers de la lenteur, pratiquez les vingt minutes. Ce  n’est pas grand-chose, mais vous percevrez au début  que c’est effroyablement beaucoup ! Dans le « Philosophe nu », Alexandre Jollien souligne que « la pratique tient avant tout d’une ferme volonté ».

Voilà une belle période que celle de juillet-août pour la pratiquer. Aussi, je vous invite à ce petit exercice que je pratique régulièrement, assis sur la chaise de mon bureau ou étendant par terre : inspirer et expirer profondément par séquence de dix en comptant chaque expiration. Une séquence prend approximativement une minute. Et concentrez-vous sur cette respiration  et sur le comptage pour éviter que votre esprit ne s’échappe vers une pensée parasite, « jusqu’à ce qu’il n’y ait plus la moindre marge où la pensée puisse s’introduire «  (Sekkei Harada). Y consacrer vingt minutes signifie donc vingt séquences de dix !

Allez-y progressivement et bonne découverte. Vous aurez tout le loisir après de réfléchir -au moins pendant vingt minutes !- à ce que cela peut signifier dans votre vie professionnelle, et personnelle.

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