Etre nomade aujourd’hui

A regarder l’évolution de l’Homo sapiens vers la sédentarité depuis la fin de la préhistoire, ce titre apparaît complètement décalé.  Le nomadisme aujourd’hui ne représente plus qu’environ 1,5% de la population mondiale : ce sont des peuples de chasseurs-cueilleurs ou des sociétés pastorales. Cette sédentarisation progressive a inauguré la période non révolue ( !) de l’accumulation des biens et de la propriété individuelle. Le développement capitalistique a pris l’ascendant sur ce que l’on appelle les communs, dont la caractéristique essentielle est de n’appartenir à personne, mais à tout le monde.

Cela étant dit, le symbole du nomadisme est fort à plusieurs titres.

Le premier est qu’il donne à réfléchir sur la culture de l’accumulation de biens. Le nomade n’emporte avec lui que le strict nécessaire pour sa survie. Au Canada, même les maisons sont conçues pour être transportées d’un endroit à un autre.

Le nomade professionnel n’a besoin que d’un portable et d’une connexion pour pouvoir travailler à distance, quel que soit l’endroit – connecté – où il se trouve. Le nomadisme est ici synonyme de dépouillement matériel.

Le dépouillement est donc extérieur – avec soi –, mais aussi intérieur – en soi – : il traduit une démarche personnelle pour se centrer que les réflexions et les pensées qui ont du sens et laisser ainsi passer sans s’y attarder les réflexions et les pensées superflues qui obstruent le mental et, par effet ricochet, l’émotionnel ; vaste programme de développement !

Le second est qu’il est corrélé à l’idée de passage. Dans Les Essais – paru pour la première fois en 1580 –, Montaigne a écrit cette belle phrase : « Je ne peins pas l’être, je peins le passage : non un passage d’âge à un autre, ou comme le dit le peuple, de sept ans en sept ans, mais de jour en jour, de minute en minute. Il faut accommoder mon histoire à l’heure. Je pourrai tantôt changer, non de fortune seulement, mais aussi d’intention : c’est un contrôle de divers et muables accidents, et d’imaginations irrésolues, et quand il y échoit, contraires : soit que je suis autre moi-même, soit que je saisisse les sujets par d‘autres circonstances, et considérations ». Comme l’a écrit Antoine Compagnon à ce sujet : « Son horizon est le devenir et non l’être. Dans un instant, le monde aura changé, et moi aussi ». Le nomadisme est ici synonyme de mouvement, d’impermanence.

La croissance régulière du nombre de marches dans le désert, en montagne ou sur les chemins des pèlerinages du Moyen-Âge, illustre bien cette double dynamique.

Publicité
Cet article a été publié dans développement humain, société. Ajoutez ce permalien à vos favoris.

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.