Mettre fin à l’instrumentalisation du vivant.
Cet extrait est tiré du livre « Le manifeste travail – démocratiser, démarchandiser, dépolluer », paru en 2020, sous la direction d’Isabelle Ferreras, Julie Battilana et Dominique Méda. Il introduit l’article de début février sur le monde du travail en transition.
Il importe de mettre fin à l’instrumentalisation du vivant, humain et non-humain, c’est-à-dire d’abolir la possibilité qu’il soit traité comme une marchandise échangée sur un marché. Cette crise nous a permis d’acter le fait que deux institutions surdéterminent le sort réservé à l’être humain au travail et à la planète Terre : ce que les économistes appellent le « marché du travail » et l’entreprise. Animées par une logique extractive, ces deux institutions structurent la vie des travailleur.euse.s et nuisent à l’égalité en dignité et en droits que chacun.e peut légitimement attendre. Il est urgent d’en sortir.
Faire preuve du minimum de justice revient à ne jamais considérer autrui comme une marchandise. Au contraire, le projet démocratique consiste à traduire en actes le principe de l’égalité de tout être humain en dignité et en droits, dans tous les champs sociaux. L’enjeu est de le rendre capable d’être libre, c’est-à-dire autonome, capable de peser sur le choix des normes auxquelles il se soumet tant au plan individuel que collectif. Cette tentative est toujours perfectible, les moyens mis en œuvre sont toujours susceptibles d’être améliorés au vu des conditions matérielles et défis circonstanciels changeants. Mais l’essentiel est là, pour éviter l’aliénation qui fait devenir « étranger à soi-même » comme l’écrivait Marx. Et la planète Terre ? Alors qu’elle traitée comme simple marchandise et réduite à l’état d’égout, il faut aussi la rendre à elle-même, en faisant en sorte qu’elle soit capable de se régénérer.
Le travail n’est pas une marchandise, c’est une expérience de vie, c’est une partie de notre vie humaine. C’est un investissement de la part de celle ou de celui qui travaille. Pas un investissement dans le sens des discours économicistes, une quantité instrumentalisée au service de finalités extérieures, décidées par un tiers ; l’expérience de travail est un investissement dans le sens où le.la travailleur.euse investit sa personne, son intelligence dans sa fonction, ses émotions et le soin qu’elle ou il accorde à ses collègues ou à autrui au travers de la mission qui lui est confiée. Que celle-ci soit modeste ou socialement valorisée, qu’il.elle soit surveillant.e, livreur.euse, instituteur.trice, caissier.ère, infirmier.ère, avocat.e, médecin ou informaticien.ne. Le.la travailleur.euse investit jusqu’à sa santé mentale et physique. En période de pandémie, nous l’avons tous et toutes constaté : il.elle y risque même sa vie.
Bonjour Michel,
D’abord meilleures vœux pour cette nouvelle aventure qui s’ouvre !
d’accord avec ton article, moyennant un ajout :
si l’homme ne désire pas être traité comme une marchandise
il doit d’abord arrêter de traiter les animaux comme du bétail
je trouve tout à fait normal que l’homme qui profite de sa force/possible domination sur l’animal qu’il traite comme du bétail,
soit, de même, et à son tour, traité comme du bétail par d’autres hommes qui ont plus de force et de possibilité de domination sur lui
Il n’est pas JUSTE que l’homme réclame d’être respecté AVANT qu’il ne respecte planète et animaux.
Le premier pas n’est donc pas selon moi de récupérer sa liberté par rapport à ceux qui désirent nous dominer,
Mais à libérer ceux sur qui nous agissons en tant que dominants
Arrêter le « jeu » de la domination !
Bien cordialement !
Régine Boone
+32 496 555 496
Merci pour ton commentaire, Régine. Je le comprends mais je me dis aussi que la relation de de l’homme à la nature et aux animaux présente des spécificités par rapport à la relation de l’homme avec l’homme. C’est pour cela que j’aime particulièrement bien le mot protection, qui ne veut pas dire abuser, dominer, mais s’en servir avec parcimonie. Mais ceci mérite bien sûr une réflexion plus approfondie.