Privilégier le face-à-face

Dans le prolongement de l’extrait du mois précédent consacré à la bienveillance en entreprise,

https://micheldamar.wordpress.com/2020/10/22/lextrait-du-mois-octobre-2020/

j’aborde dans cet article toute l’importance du face-à-face dans les interactions entre les personnes.

Peut-être trouvez-vous paradoxal de le faire à une période dans laquelle un confinement s’impose à nouveau et le télétravail redevient la règle. Et pourtant, c’est souvent dans les moments difficiles qu’il importe de promouvoir les choses essentielles !

Si le face-à-face physique se veut une rupture par rapport à l’univers numérique, il est utile et nécessaire, en ces périodes de pandémie, de se ménager des espaces-temps pour des face-à-face via par exemple skype, zoom ou teams pour ne pas laisser le télétravailleur dans la solitude de son bureau à domicile.

Le face-à-face fait partie intégrante d’un leadership efficace : qu’est-ce en effet que le vrai leadership sinon celui qui réussit à exercer une influence durable et positive sur une personne au service d’un objectif commun et explicite pour les deux. Je précise « objectif commun et explicite » pour bien souligner la différence avec la manipulation qui est l’influence exercée au service d’un objectif non explicite de celui qui influence, celui-ci mettant en avant un objectif explicite différent de celui qu’il poursuit.

Un exemple de manipulation : si un responsable incite un de ses collaborateurs à mener une action qu’il sait pertinemment être vouée à l’échec en lui vantant tout le bénéfice de celle-ci pour le service, alors que son objectif caché est de démotiver ce collaborateur pour l’amener à changer de service.

Le face-à-face authentique s’inscrit donc dans ce que le philosophe Jürgen Habermas a appelé l’éthique de la discussion.

Les caractéristiques de ce face-à-face authentique me paraissent être les suivantes :

Eviter l’évitement : l’évitement constitue le scénario classique pour faire du face-à-face un moment de dialogue non-authentique, c’est-à-dire un dialogue qui éviter de se centrer sur les questions essentielles ou les questions qui fâchent, au profit d’un échange entre « gens bien élevés ». Cela peut demander de la part du responsable de prendre conscience de sa peur d’entrer en confrontation, sinon en conflit, pour ensuite la surmonter ;  ceci est d’autant plus vrai vis-à-vis de quelqu’un qu’il connaît ; dans cette situation, la charge émotionnelle est souvent plus grande.

Contrairement à ce que certains peuvent penser, l’évitement – ou encore le non-dit – n’est pas une tactique de bienveillance – pour reprendre le thème de l’extrait cité supra –, car il fait l’impasse sur l’écoute de l’autre et, en n’abordant pas les questions importantes, il est un frein à sa progression.

Une fois entré dans le dialogue, il peut être aussi utile de reposer plusieurs fois la même question pour dépasser l’évitement et entrer en profondeur dans le sujet traité. Lors d’un dialogue récent lors d’un coaching où je mettais en évidence le comportement d’un responsable, tel qu’il me le décrivait. Inconsciemment, celui-ci porta alors son attention sur l’importance de son travail pour l’entreprise. J’ai dû reposer plusieurs fois la même question concernant les conséquences de son comportement sur ses collaborateurs pour qu’il se centre vraiment sur cette question. Poser les questions de façon lente et délibérée pour les mettre en situation de s’observer eux-mêmes.

– Pratiquer le feedback : je peux considérer que l’évaluation régulière constitue un outil RH intéressant de faire le review d’une période donnée, particulièrement dans les périodes difficiles. Ainsi, après l’épisode pandémique du printemps, permettre aux collaborateurs qui ont souffert de cette période d’avoir un entretien de face-à-face aurait été très positifs pour ceux-ci ; j’ignore si beaucoup d’organisations se sont engagées dans cette voie –. Par rapport à ces entretiens réguliers, ma préférence personnelle va cependant à des entretiens de feedback plus courts et beaucoup plus réguliers, lorsqu’il s’agit de tirer très vite les enseignements positifs ou négatifs d’une situation constatée, d’une initiative menée ou d’un comportement adopté. Intervenant à chaud si je puis dire, le feedback est susceptible d’avoir plus d’impact, à condition bien sûr qu’il soit mené avec bienveillance et qu’il s’inscrive dans un dialogue équilibré et respectueux.

Ce feedback constructif peut se dérouler en trois étapes.

Etape 1 Ce que le responsable a observé comme comportement : décrire le comportement observable de la personne à partir d’exemples sur un ou des cas concrets. Etablir un terrain d’entente sur ces faits pour éviter de placer le destinataire du feed-back sur la défensive. « Est-ce que tu es d’accord ? ». Ecoutez.

Etape 2 Les conséquences ou l’impact de ce comportement : dire à la personne pourquoi cette information est importante pour elle, pour l’organisation et pour vous. Elle peut être recadrée dans une appréciation positive pour le destinataire du feed-back. Cette étape stimule le changement et en donne les raisons. Elle incite la personne à s’investir dans la résolution du problème. « Qu’est-ce que tu en penses ? »

Etape 3 Ce que le responsable aurait souhaité comme comportement : proposer des idées de comportements alternatifs, ce qui engagera le destinataire du feed-back à prendre en compte de nouvelles options auxquelles il n’aurait peut-être pas pensé. Le changement attendu est aussi clairement exprimé. « Qu’est-ce que tu décides ? ».

– Choisir le meilleur mode de communication : la tentation est toujours forte de délivrer un message par mail. Les possibilités numériques favorisent cette solution. Il importe d’être bien conscient que cette solution peut être parfois un refuge au manque de courage ou à la peur d’aborder la question en face-à-face.

– Dans un échange de face-à-face, être conscient que le non-verbal reflète le niveau d’authenticité que vous avez dans ce dialogue.

Pour conclure, l’insuffisance de face-à-face conduit à un affadissement des relations humaines. On pourrait même affirmer qu’elle s’inscrit dans une stratégie d’individualisme, stratégie favorite dans les organisations qui n’ont pas ou peu le souci du développement humain de leurs collaborateurs.

Promouvoir le face-à-face ne signifie pas qu’il est vide de sens de cultiver le face-à-face du responsable avec le groupe de ses collaborateurs, au contraire : renforcer les solidarités au sein d’un groupe, échanger sur les défis, les réussites et les erreurs, promouvoir la qualité des produits et services offerts, constituent autant d’opportunités de développer un groupe en tant que tel.

Les deux approches sont complémentaires.

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