Vaincre sans combattre
Ne vous laissez pas abuser par ce titre! Cet extrait est tiré du livre de Giorgio Nardone, psychothérapeute et directeur du Centre de thérapie stratégique d’Arezzo, « Chevaucher son tigre ». Vous comprendrez la signification de ce titre en lisant l’extrait.
« Vaincre sans combattre » signifie que l’on a en réalité un niveau d’habileté stratégique et de vertu tel que l’on inspire à n’importe quel adversaire non seulement la crainte, mais aussi le respect et l’admiration, au point que l’idée de nous affronter ne vient à personne.
L’adversaire doit percevoir dans votre attitude la calme, l’assurance et le charme, qualités capables non seulement de plier sa volonté de combattre, mais également de susciter en lui le désir de vous imiter. Ce qui persuade l’adversaire de devenir votre partisan est la perception immédiate de vos vertus personnelles. Pour obtenir cet effet suggestif, il est indispensable de posséder un grand charisme. Mais qu’est-ce que le charisme, sinon la sagesse et les capacités pratiques qui émanent de nous.
Cultiver patiemment nos propres vertus ; approfondir constamment la connaissance ; apprendre sans cesse de nouvelles capacités ; exercer sans trêve les compétences acquises pour les améliorer ; voilà l’essence de « vaincre sans combattre ». Le but n’est pas de paraître invincible, mais de devenir un modèle à suivre. Il n’est pas de susciter la peur, mais d’éveiller l’admiration.
On disait d’Alexandre le Grand que ses soldats en étaient comme amoureux ; ils l’auraient suivi n’importe où, non par peur, mais par amour. Tous les grands chefs militaires ont séduit et fasciné leurs troupes, obtenant ainsi d’elles le maximum. Sun-Tzu affirmait que le meilleur général est celui que ses soldats suivent par affection et admiration, et non par crainte.
Je crois qu’à ce point le lecteur se demandera : « Mais où est l’astuce ? Où est la subtile tromperie ? En quoi réside donc l’artifice qui permet d’être capable de vaincre sans combattre ?
Le truc, dans ce cas, c’est qu’il n’y en a pas. Le stratagème, paradoxalement, correspond à la vérité, dans le sens où il n’y a pas de tromperie. On est ce qu’on paraît être. Si ma capacité réelle ne correspond pas à ce que l’on perçoit extérieurement de mes qualités, ce masque trompeur tombera tôt ou tard et révélera mes manques. Il ne s’agit donc pas de se fabriquer une image à vendre aux autres et à soi-même, mais de construire, à travers la connaissance et l’exercice, ces habiletés qui fascinent les autres. « Sois celui que tu sembles être ». A la fin, on retourne au point de départ : « Le secret, c’est qu’il n’y a pas de secrets ».
« Chevaucher son tigre » n’est pas un artifice, mais une habileté, fruit de l’étude et de l’application constantes. Car si nous pouvons réussir à tromper les autres sur nos capacités réelles, nous ne pouvons le faire aussi bien avec nous-mêmes.
« Chacun de nous, dit un proverbe chinois, va se coucher chaque nuit auprès d’un tigre. On ne peut savoir si ce dernier, au réveil, voudra nous lécher ou nous dévorer ».
Avec cette métaphore, la sagesse antique nous rappelle la relation que nous entretenons tous avec nos propres limites.
Ce n’est qu’en cherchant constamment tous à nous améliorer que nous pouvons faire de notre tigre un ami, puisque nul ne peut éviter le pire et la plus dangereuse des compagnies : soi-même. »