La loi climat, pourquoi certaines réticences ?

Les multiples phénomènes climatiques extrêmes montrent à l’évidence que la dégradation climatique est une réalité. C’est aussi une évidence pour tous, même si certains n’ont pas encore intégré que le phénomène migratoire est dû en partie à ces mutations climatiques et va croître pour les mêmes raisons.

Les nombreux rapports de spécialistes appuyés par des observations à l’échelle de la planète non seulement analysent cette réalité, mais font aussi le lien entre ces changements et les développements rapides de l’activité humaine ces dernières décennies. Ce lien est encore loin d’apparaître comme une évidence pour les climato-sceptiques.

Les jeunes prennent de plus en plus conscience que ces évolutions vont profondément transformer leur manière de vivre à l’avenir, même si les contours de cet avenir sont à peine esquissés. Leurs manifestations renvoient la balle à notre génération quant aux initiatives fortes à prendre pour que la planète soit plus vivable pour eux.

L’élaboration par des membres de la société civile de la loi climat est une opportunité pour le pouvoir politique de poser un geste fort. Mon propos ici n’est pas de répondre à la question : en a-t-on fait assez ou insuffisamment ces dernières années ? Elle vise à un décodage à la lumière de quelques réflexions entendues ces dernières semaines.

En premier lieu, une réponse sur ce terrain se doit d’être forte, porteuse de sens et s’inscrire sur le long terme. La faire aboutir dans un contexte politique d’affaires courantes et de fin de législature est justement une opportunité de poser les jalons du long terme, aussi paradoxal que cela puisse apparaître.

En second lieu, et là le risque d’une opposition idéologique est réel, un geste fort implique plus d’Etat. La même opposition surgit immanquablement autour de la redéfinition de la gouvernance institutionnelle dans notre pays pour face à des enjeux d’un niveau largement supérieur : il est question ici de définir le meilleur scénario de répartition des pouvoirs pour répondre à une question stratégique majeure.

Le rôle plus grand de l’Etat, c’est-à-dire des différentes autorités publiques agissant dans la meilleure cohérence, part d’un constat aujourd’hui évident : le paradigme comme quoi le marché va réguler de lui-même ces « externalités négatives » ne tient pas la route.

Plus fondamentale, comme l’affirme le philosophe Dominique Bourg, invité des Grandes Conférences Namuroises mardi prochain 12 février, la compétitivité déglingue le vivant et, citant Bergson dans ses écrits sur la vie, c’est notre rapport au monde qui doit, qui va, fondamentalement évoluer ; que ce soit par choix collectif et individuel ou par obligation.

Un nouveau rapport au monde signifie un autre rapport à la nature, à laquelle nous appartenons. Quel ne fut pas mon étonnement quand un participant citadin, lors d’une émission télévisée, confronté à une journée dans la nature, déclarait : « Il n’y a rien à faire ici ». La nature est donc pour certains une terra incognita ; ils sont donc à côté de celle-ci.

Au plan politique, on devrait s’interroger sur les conséquences à long terme de donner la priorité au développement urbain au détriment du développement rural. Même si l’option urbaine permet des économies d’échelle au niveau des infrastructures publiques, ses conséquences sur le rapport de l’être humain à la nature et le développement de sa capacité à retrouver la terre à travers notamment la culture de légumes pour sa propre consommation sont loin d’être négligeables.

Nous voici donc devant une question majeure : changer-réduire le style de vie auquel nous sommes habitués dans un Occident dominé par le capitalisme de consommation, qui se propage rapidement à l’échelle de la planète.

Et cela, en partageant les meilleures techniques pour citer à nouveau Dominique Bourg. L’exemple du patron de Tesla, Elon Musk, proposant de signer des accords de licences croisées, à travers lesquelles les partenaires s’autorisent conjointement à mobiliser les technologies de l’autre dans son propre domaine d’activité, est un pas dans la bonne direction.

Ne pas rompre avec nos standards de vie actuel revient à épouser le propos de Pierre-Henri Castel dans son récent essai « Le mal qui vient », qui explore la tentation du pire : comme de toute façon la catastrophe est inéluctable, jouissons de la vie jusqu’au dernier jour et ne changeons rien à nos habitudes, que du contraire.

Il ne suffit donc pas de se préparer au réchauffement climatique sans entrer en rupture avec notre façon de vivre actuelle : cela, c’est la symbolique de la vaine construction d’une haute digue le long du littoral belge et européen.

Une dernière réflexion : un changement aussi important ne se fera pas sans une réduction des inégalités, au risque de provoquer des réactions sociales qui vont désagréger nos sociétés.

Publicité
Cet article a été publié dans société. Ajoutez ce permalien à vos favoris.

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.