Changer de regard sur la réalité

François Jullien est loin d’être un inconnu : philosophe, helléniste et sinologue, son approche de l’efficacité est vraiment convaincante (Conférence sur l’efficacité, PUF, 2005). Elle est notamment basée sur l’approfondissement du potentiel de situation dans laquelle toute organisation se trouve.

Dans son dernier livre publié chez Grasset « Une seconde vie », j’extrais une phrase intéressante – parmi tant d’autres – : « C’est parce qu’on se représente mal les choses qu’on vit mal » (p.55). Et il poursuit : « C’est la conviction de fond de la philosophie et sa principale justification pour remettre au travail la pensée ; et l’on se représente mal les choses par défaut d’outil pour ébranler ce qui dans la langue et dans la pensée s’est figée en opinion commune, dans l’ornière de laquelle nous restons coincés ». L’approche psychologique, mise en avant dans l’extrait du mois d’octobre, se situe dans la même ligne.

Une ornière souvent présente, que ce soit au travail ou dans la vie privée, est la confusion qui existe entre identité et comportement : même si ces deux réalités appartiennent à des niveaux de profondeur bien différents, l’être humain a vite fait de les confondre. La personne, dans la relation avec son collègue, son supérieur, avec son conjoint, peut parfois prendre – mal – une critique comme une remise en cause de sa personne alors qu’elle n’est que la mise en cause de son comportement à un moment donné. De même qu’elle peut considérer cette mise en cause comme une forme de rejet alors qu’elle exprime une intention positive dans le but d’améliorer, c’est-à-dire de changer de comportement.

D’où l’importance de bien situer, réfléchir, penser donc, à quel niveau se situe la parole de l’autre.

Bien sûr, il ne faut pas perdre de vue que des critiques répétées, et formulées dans une perspective négative et non positive,  s’apparentent vite à du harcèlement car derrière la répétition, c’est la personne elle-même qui est visée.

Une ornière toute aussi présente est constituée des « croyances » ancrées en soi, et qui colorent l’interprétation de la réalité et le positionnement de la personne face à cette réalité : par exemple, « Je ne suis bon à rien », « C’est encore sur moi que cela tombe », « Je suis incapable de changer ». Les croyances sont également d’une profondeur supérieure au comportement et, tout comme l’identité, elles influencent fortement ceux-ci : si la personne estime qu’elle n’est pas capable de changer, pourquoi consentirait-elle les efforts nécessaires pour s’adapter ?

C’est donc ici que le philosophe et le coach se rejoignent : apprendre à penser différemment, à changer son regard sur la réalité, son regard sur sa capacité d’évoluer.

Apprendre à penser tout en souplesse aussi. Comme le soulignent Rob Willson et Rhena Branch dans « Les thérapies comportementales et cognitives pour les nuls » (p.288) : « Exiger et commander – en pensant à coups de « devoir », « falloir » et « il est nécessaire que » – vous-même, le monde qui vous entoure et les autres présentent un problème fondamental : cela restreint votre capacité à vous adapter avec souplesse à la réalité. La capacité de l’être humain à s’adapter de façon créative aux événements est l’une des bases du succès de notre espèce ».

Trois conditions sont indispensables pour aller de l’avant : la première, c’est d’accepter de mieux se connaître, d’entrer en « réflexion avec soi-même » ; la deuxième, c’est de s’accepter tel que l’on est, pour enclencher la dynamique d’amélioration ; la troisième enfin, c’est d’avoir la volonté de changer, et d’acquérir les capacités nécessaires pour ce changement. Sinon, le changement ne sera jamais qu’un rêve sans lendemain réel.

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Un commentaire pour Changer de regard sur la réalité

  1. FURNEMONT JEAN MARIE dit :

    Il est très important de pouvoir déterminer le pourquoi de nos comportements. Nous avons souvent été éduqué sous l’emprise de la culpabilité et de la dévalorisation. Il n’est pas facile de se départir de cette culpabilité et de cette dévalorisation.
    Dans le monde du travail, une évaluation du travailleur se fait encore trop souvent sous forme de cotation, ce qui induit, à nouveau, une culpabilité par rapport aux objectifs qui n’ont pas été atteints.
    La prime de fin d’année est fonction de cette évaluation qui est plus ressentie comme une sanction.
    Il en est de même, encore souvent dans la vie privée.
    Un mot souvent employé est « pas ». Tu n’as pas fait, tu n’es pas allé, tu n’as pas atteint tes objectifs, etc…
    Il conviendrait d’avoir un autre regard sur l’être humain, à savoir, une personne avec des points tantôt fort, tantôt moins fort et des faiblesses. Une personne en devenir et capable d’évoluer si elle a les outils pour s’accomplir.
    La société, l’entreprise, l’éducation, la famille ont pour mission de fournir ces outils.

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