Après l’interruption estivale, cet extrait a trait au rapport entre l’invisible et le visible. Il introduit l’article de début septembre qui sera consacré à la similitude de la démarche de créativité dans le leadership et dans l’écriture.
Il est tiré du dernier livre d’Edgar Morin, sociologue et philosophe penseur de la complexité, qui vient de paraître chez Fayard « Connaissance, ignorance, mystère ».
« Je ressens toujours autant le plaisir des découvertes, des élucidations, aussi bien à propos de l’univers que dans les petits détails de la vie quotidienne. Cela a suscité chez moi, de plus en plus fortement, l’étonnement – parfois émerveillement, parfois vertige – d’être en vie, de marcher, d’être sous le soleil, de regarder la lune montante dans le ciel nocturne, de contempler les amas d’étoiles, minuscules à mes yeux, énormes à ma connaissance.
Tout ce qui est évident, tout ce qui connu devient étonnement et mystère.
Mon étonnement s’accroît à chaque regard, à chaque sensation. Ce n’est pas seulement le mystère de la vie, de l’existence, de la réalité, c’est aussi la tête des passants dans la rue, les arbres, les animaux…
Je m’ébahis devant les pépins amassés, protégés comme des bébés à l’intérieur de la chair du melon, des pépins du grain de raisin, ou devant l’amande calfeutrée à l’intérieur du noyau cuirassé de la pêche.
J’ai le fort sentiment de l’invisible caché dans le vu. »
Il en est de même pour l’humain. Si l’on s’attachait à découvrir ce qu’il y a derrière la façade qu’affiche souvent l’être humain, je suis convaincu que l’on découvrirai bien des choses qui permettrait de comprendre mieux la marche du monde.
Oui, et sans faire de projection et en faisant taire sa voix intérieure du jugement, tout en n’oubliant pas que l’être humain gardera toujours sa part de mystère.