Un grand oublié : la construction de l’identité du groupe

Lors du récent séminaire que j’ai co-animé sur la gestion prospective d’un portefeuille de projets, les participants étaient répartis en deux groupes pour mettre au point leur portefeuille à partir de la situation d’un service confronté à une stratégie et à des objectifs nouveaux. Un des deux groupes avait manifestement des difficultés à entrer dans une dynamique collective. Au moment de la présentation de leurs résultats, ils nous ont expliqué que le groupe n’a véritablement pu démarrer ses travaux qu’après avoir réfléchi à son identité. Ils ont centré cette identité sur les valeurs du groupe, c’est-à-dire ce qui est vraiment important en tant que groupe. A titre exemplatif, les trois valeurs faisant sens pour eux étaient : la collaboration participative, l’ouverture d’esprit et l’expérience acquise – « nous ne partons pas de rien, il n’y a pas de point zéro » –.

Beaucoup d’équipes, permanentes ou liées à la vie d’un projet, se lancent dans une aventure professionnelle sans réfléchir préalablement, et en cours de route, à leur identité. Celle-ci peut être approchée par les questions suivantes.

Quel est le sens de notre travail comme équipe, notre valeur ajoutée, ce pourquoi nous nous investissons collectivement ?

Quelles sont les valeurs que nous mettons en avant ?

Comment traduisons-nous ces valeurs dans nos comportements comme membres de l’équipe ?

Que voulons-nous montrer aux autres comme équipe ? Si on demande à des personnes à l’extérieur de l’équipe de répondre à cette question, quel feed-back recevons-nous et ce feed-back correspond-il à ce que nous avons dégagé entre nous comme identité ?

Comment allons-nous structurer notre travail comme équipe pour concrétiser ce qui est attendu de nous ?

Des travaux de Patrick Lencioni sur les cinq frustrations d’un travail d’équipe on peut dégager des vecteurs qui caractérisent l’identité : la nécessité de définir des buts propres à l’équipe, chaque membre du groupe se sent responsable devant les autres d’apporter sa contribution à l’équipe, chaque membre du groupe s’engage réellement derrière toutes les décisions prises, l’équipe travaille activement pour sortir des conflits, chaque membre de l’équipe a confiance dans les autres.

Dans leur livre « Manager avec les accords toltèques », Laurence Aubourg et Olivier Lecointre ont défini deux indicateurs qualitatifs permettant de mesurer la « performance » de l’équipe : l’indicateur moral de l’équipe et l’indicateur efficacité-sérénité-motivation. Ceux-ci peuvent se mesurer à travers un simple template que chaque membre de l’équipe remplit. Ceci permet ensuite une discussion au sein du groupe à partir des réponses données. On peut comprendre que la valeur de confiance a ici toute son importance.

Autre illustration qui va dans la même direction : lors d’un travail mené dans un comité de direction sur l’approfondissement de son fonctionnement, celui-ci a finalement défini une charte contenant ses valeurs de référence et les comportements permettant d’observer si ces valeurs étaient pratiquées au cours de leurs réunions. A la fin de chaque réunion, un questionnaire était distribué dans lequel chacun répondait si ces comportements ont été ou non appliqués pendant la réunion. S’ensuivait ensuite une discussion sur les résultats.

Ces cinq valeurs étaient :

  • Solidarité et défense de l’intérêt commun. Ex : Si un membre se trouve en difficulté, nous lui proposons notre aide
  • Confiance et respect mutuel. Ex : Nous acceptons que ce qui est facile pour certains, est difficile pour d’autres
  • Liberté d’expression. Ex : Quand nous écoutons un avis différent du nôtre, nous regardons d’abord les points sur lesquels nous sommes d’accord
  • Clarté et simplicité. Ex : Nos décisions sont précises et logiques, nous en expliquons le sens et les raisons sans préjugés et avec le plus d’objectivité possible.
  • Etre force de proposition. Ex : Nous ne critiquons pas les idées des autres avant de les avoir bien comprises

On perçoit bien que la réussite d’une équipe est loin de dépendre de la seule expertise technique de ses membres.

Je conclus sur une touche plus philosophique en citant Judith Butler, philosophe qui vient de publier chez Fayard « Rassemblement » : « Si je dois mener une vie bonne, ce sera une vie vécue avec d’autres, une vie qui ne peut pas être une vie sans les autres ; je ne perdrai pas ce que je suis : celui que je suis sera transformé par mes connexions avec les autres, car ma dépendance à l’égard d’autrui et le fait que d’autres dépendent de moi sont nécessaires pour vivre et pour vivre bien » (L’Obs, 2718, p. 83).

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