La gestion de l’erreur dans une organisation renvoie une nouvelle fois à la thématique de la confiance: confiance des responsables vis-à-vis des collaborateurs et confiance de ceux-ci dans leurs responsables.
Dans mon livre « Le pilote et le fonctionnaire » – Presses universitaires de Namur-, j’écrivais déjà ceci en 2008.
« La faiblesse de l’implication des personnes peut aussi avoir comme source le faible niveau de tolérance de l’organisation à l’égard des erreurs commises. Une absence de tolérance peut être paralysante et donc avoir comme résultat, non une diminution du nombre d’erreurs, mais une réduction de l’efficacité globale.
Lors des séances de prestations de serment des nouveaux fonctionnaires du SPF Mobilité et Transports, j’ai l’habitude de préciser qu’ils ont non pas un droit à l’erreur, mais un devoir d’erreur.
Le droit à l’erreur donne trop l’image d’un management qui scrute la faute d’un collaborateur pour la lui reprocher ou, pire, pour en tirer des conséquences négatives. Le devoir d’erreur induit une dynamique : il y eu une difficulté, un dysfonctionnement dans l’exercice d’une tâche opérationnelle, dans la gestion d’un projet. On la met sur la table, donc on ne la cache ou on ne se cache surtout pas ; elle fait l’objet d’un échange de vues avec les responsables du service, toutes les leçons sont tirées et toutes les actions correctrices sont mises en œuvre. Apprendre de ces erreurs fait grandir une équipe, une organisation, à condition d’en parler. Ceci suppose à nouveau que la confiance entre les personnes soit suffisante et que le fossé ne soit pas grand entre l’équipe ou les membres du service et les responsables. La confiance, mais aussi la franchise : sans cette capacité d’exprimer sans détour ce que vous pensez, mais aussi d’écouter ce qui vous est dit, il y a peu de chance d’augmenter l’implication.
Le devoir d’erreur est ainsi étroitement lié à la volonté ou non de rendre les membres du personnel réellement responsables».
Lors d’une rencontre sur ce thème avec le responsable d’une société de transport, celui-ci m’a répondu que dans une telle société où le risque d’accident est important et peut générer des conséquences graves – comme dans d’autres secteurs d’ailleurs –, parler de devoir d’erreur lui paraissait excessif.
Et c’est vrai : j’aurais dû employer l’expression « acceptation de l’erreur » dans l’organisation. Acceptation pour les collaborateurs, c’est ne pas entrer dans la culpabilité ou dans la dissimulation. Acceptation pour l’organisation, c’est entrer dans la non-sanction.
Parler de non-sanction, c’est clairement faire la distinction entre l’erreur et la faute – pas au sens moral bien sûr, mais au sens de l’éthique professionnelle–.
L’erreur est une rupture non volontaire par rapport à un processus ou un protocole décrits ou à une pratique reconnue comme norme. Dans la gestion de la qualité, l’erreur est aussi appelée événement indésirable ou non-conformité.
La faute présente un caractère volontaire ou répétitif, une violation du respect de la personne ou de son patrimoine (agression verbale, violence, vol …) ou une atteinte grave à l’éthique professionnelle.
L’enjeu est donc de créer les conditions pour qu’une erreur soit connue, partagée et fasse l’objet d’un dialogue constructif en équipe ou entre le collaborateur et la personne qui l’encadre pour créer les conditions de sa non-répétition.
Dans l’article « Les pratiques managériales les plus innovantes du monde », l’exemple d’Air France est mis en évidence.
https://i-hunt.ca/les-pratiques-manageriales-les-plus-innovantes-du-monde/
La compagnie a instauré il y a quelques années une « charte de non punition de l’erreur ». Après avoir pris conscience et accepté que l’une des principales causes d’accidents et d’incidents était d’origine humaine, et compte tenu des conséquences, cette compagnie aérienne a décidé d’encourager ses collaborateurs à exprimer (sous anonymat) leurs erreurs et signaler des dysfonctionnements en contrepartie de quoi elle s’est engagée à ne pas pratiquer de sanction lorsque les erreurs étaient révélées et assumées. La seule sanction envisagée concerne les salariés qui n’auraient pas fait part de leurs erreurs.
Une autre possibilité est une affirmation forte et écrite de la direction comme quoi l’erreur n’est pas sanctionnée, mais bien la faute. Ceci pour bien mettre en évidence que l’erreur constitue une opportunité d’améliorer tant pour le travailleur que pour l’organisation dans son ensemble car les autres collaborateurs peuvent aussi apprendre beaucoup de l’erreur d’un collègue ou d’une équipe.
La gestion de l’erreur est donc une composante importante du changement culturel dans l’organisation.