Rappelons brièvement ce que nous savons des faits à ce jour : un comptable réussit au cours des années à subtiliser plus d’un (deux ?) million(s) d’€. La découverte de cette situation serait due à une commune qui demande si le versement qu’elle doit bénéficier a bien été payé et au fonctionnaire responsable des engagements qui identifie de manière fortuite, semble-t-il, un versement suspect et qui constate dans le même temps que le nom et le numéro de compte de ce comptable figure sur la liste des bénéficiaires. Au cours de ces années, la Cour des Comptes insiste sur la nécessité d’appliquer la double signature à tout versement à des bénéficiaires, recommandation qui n’a jamais été appliquée à l’Office Wallon des Déchets avec l’argument que ce service est trop petit pour pouvoir appliquer ce principe élémentaire. Ajoutons que les efforts de gestion des risques menés dans la direction générale dont l’office est l’appendice n’ont servi à rien dans le cas d’espèce. Enfin, des discordances entre des décisions de certains services de l’office et la hiérarchie administrative ont été constatées.
L’enquête judiciaire apportera bien évidemment tous les éléments qui permettront d’identifier les infractions à la législation pénale et décrétale qui mettront encore mieux en évidences les ruptures à la bonne gouvernance qui sont déjà perçues aujourd’hui. Sans oublier le respect du Code de la fonction publique wallonne.
Il n’est jamais aisé de prendre du recul aussi rapidement vis-à-vis d’une situation qui heurte tous les principes de bonne gouvernance et qui jette le discrédit sur le fonctionnement d’un service public. Ceci n’est donc qu’une première réflexion ouverte et à distance.
Avant de se pencher sur le que faire, tentons de décoder cette situation avec les références que nous utilisons régulièrement et les éléments que nous avons appris.
Sur base de la théorie chinoise des cinq éléments, dont j’ai expliqué la logique dans un article précédent
https://micheldamar.wordpress.com/2015/11/16/lextrait-du-mois-novembre-2015/
trois déficits peuvent être constatés.
Un déficit de l’élément Feu qui se traduit par un manque d’unité d’action, d’intégration et de coopération avec les services de la direction générale concernée. A cela s’ajoute un manque d’unité dans la prise de décision.
Un déficit de l’élément Terre qui se traduit par un manque de communication et de proximité et de relations entre les personnes. Un comptable agit souvent de manière isolée, surtout dans une équipe restreinte et cet isolement peut être renforcé par l’absence ou l’insuffisance de solidarité et de coopération au sein de l’office ou entre l’office et la direction générale.
Un déficit de l’élément Métal qui se traduit par un laisser-aller, un relâchement de l’éthique et l’absence de pratiques suffisantes de valeurs essentielles comme le respect du client -bénéficiaires du service à qui de l’argent est dû-.
Sur base de la théorie des niveaux de changement de Robert Dilts illustrée dans le tableau ci-après :
on constate plusieurs ruptures d’alignement entre les différents niveaux ou entre les niveaux dans l’organisation et chez les personnes qui y travaillent :
Au niveau des valeurs : une rupture d’alignement entre les valeurs pratiquées : la valeur du service qui n’a pas été intégrée par le comptable alors que la valeur de la confiance et de l’autonomie a été pratiquée à l’excès au détriment de la valeur de coopération qui semble complètement absente.
Au niveau des capacités : une absence de stratégie minimale et indispensable de contrôle à l’égard des actes comptables de l’office, stratégie qui permettrait d’identifier le respect de la valeur du service, ainsi qu’une absence de dynamique d’intégration entre l’office et la direction générale.
Au niveau des actions et des comportements : une absence d’action qui répondrait à une prise en considération d’un risque bien identifiable au niveau supérieur des capacités – mais a-t-il été identifié malgré les observations répétées de la Cour des Comptes ?- ; à cela s’ajoute donc le comportement du comptable en rupture totale avec la valeur du service qui implique le versement des deniers publics aux clients-bénéficiaires qui en ont besoin et qui y ont droit.
Si ce diagnostic est proche de la réalité, la question essentielle est de tracer les orientations pour rebondir, orientations qui ne créent pas au sein de l’institution une rupture par rapport aux orientations émergentes d’un management basé sur la confiance et l’autonomie des personnes. Ces valeurs, on les retrouve dans tous les écrits et les expériences nouvelles et crédibles d’expériences réunies sous le concept de « l’entreprise libérée ».
Première orientation : (re)créer du collectif là où il y a de l’individuel. Cela signifie décliner la valeur de la coopération en développant une stratégie de coopération sous la forme d’équipe de comptables intégrées et mobiles pour éviter qu’une seule personne travaille toujours seule dans le même secteur d’activité. L’avantage complémentaire est de créer une polyvalence intéressante en cas par exemple d’absences pour congé ou pour maladie. C’est mettre plus de l’élément Terre au sein du personnel comptable.
Deuxième orientation : challenger la survie des unités de ce type qui paraissent bénéficier d’un degré d’autonomie par rapport au reste de l’administration. De telles unités sont-elles réellement viables et efficaces ? Sont-elles suffisamment intégrées dans le reste de l’organisation ? Ne sont-elles pas des « îlots » de gestion faible ?
La souplesse de gestion souvent évoquée pour les maintenir ne compense pas l’absence de taille critique suffisante. Dans beaucoup de situations, les avantages de les maintenir comme telles sont inférieurs aux inconvénients et aux risques encourus. Créer une dynamique d’unité, c’est mettre plus de l’élément Feu au sein de la direction générale.
Troisième orientation : revoir l’ensemble des rapportages et des indicateurs sous l’angle de leur utilité. Supprimer les inutiles et maintenir ou instaurer ceux qui assurent une réelle valeur ajoutée, notamment sous l’angle des risques de fraude. Dans ce cas, la production informatisée automatique – càd sans intervention du comptable- de la liste des bénéficiaires et des montants auraient permis de voir clair plus rapidement. C’est mettre de l’élément Métal utile dans les processus.
Cette orientation a comme enjeu d’introduire une stratégie de contrôle minimale et indispensable qui assoit la confiance et qui traduit la valeur d’autonomie. L’autonomie, c’est donner une marge de manœuvre à la personne et les opportunités de développement pour agir efficacement dans le cadre de cette autonomie.
Mais l’autonomie, ce n’est pas supprimer tout rapportage : elle s’inscrit dans une démarche de responsabilisation, c’est-à-dire mettre les acteurs concernés en situation de rendre des comptes. Si la première orientation est suivie, cette responsabilité peut être individuelle ET collective. C’est aussi mettre l’élément Métal éthique dans la gestion.
Il est important d’éviter de prendre des décisions à chaud qui rendrait le remède plus mauvais que le mal, comme on l’a déjà maintes fois constaté dans le secteur public.
En l’occurrence, le remède ici serait de faire encore plus de la même chose, à savoir d’encore multiplier les contrôles et les rapportages qui alourdirait encore considérablement la gestion publique alors que de tous côtés, des voix s’élèvent régulièrement pour assouplir et rendre celle-ci plus flexible.
discrédit sur la Région wallonne; discrédit sur le monde politique. On ne peut parler d’un accident -ce qu’on ne manquera pas de faire- alors qu’il s’agit d’un symptôme d’un mal qui s’appelle « non-exercice de son devoir d’état » ou « manque de conscience professionnelle » des parlementaires qui ne lisent pas les rapports de la Cour des Comptes, alors que c’est leur job. des ministres, de même ;du fonctionnaire dirigeant qui ne s’inquiète pas de la qualité de son contrôle interne; du DG du budget et comptabilité qui n’organise pas son service et n’assure pas une surveillance adéquate; de l’inspection des finances qui ne sort pas de son bureau; des commissaires du gouvernement qui ont reçu leur mandat comme un évêque recevait les bénéfices d’une abbaye à condition de faire le beau devant le prince et renoncer à ses devoirs, créant une culture de courtisan, de cupidité, d’abandon de leurs prérogatives; du gouvernement wallon qui tolère un comité d’audit présidé, contre tout bon sens, par le fonctionnaire dirigeant. Paresse, conflits d’intérêt, course aux mandats, amateurisme, courtisanerie, arrangements entre amis, violation des procédures, incompétences… Combien de temps encore, les Wallons accepteront ils cela avant de se laisser séduire par des discours extrémistes?