« Oh prenez garde à ceux qui n’ont rien
Chante chante un petit oiseau malin
Qui monte au ciel, qui plane et qui pique
Au-dessus des royaumes et des républiques
…….
Oh prenez garde à ceux qui n’ont rien
Qu’on a laissés au bord du chemin
Rêveurs rêvant le monde meilleur
Ils voient la colère monter dans leurs cœurs »
Cette chanson récente de Laurent Voulzy et Alain Souchon est comme un écho à la croissance des inégalités dans nos sociétés.
La progression des inégalités économiques a bien été mise en évidence dans le best-seller de Thomas Piketty « Le capital au XXI siècle » : selon lui, elle est liée au fait que les revenus du capital progressent plus vite que la croissance économique.
Certains chiffres glanés ces dernières semaines au fil de mes lectures ne paraissent pas contredire ce constat.
L’évolution de la situation en Grèce tout d’abord.
Plus les Grecs sont pauvres, plus leurs revenus ont fondu avec la crise, titrait Le Monde le 19 mars dernier.
Ce jour-là, la fondation Hans Böckler, proche de la confédération syndicale DGB, a présenté une étude portant sur l’évolution des revenus en Grèce, de 2008 à 2013, réalisée par 2 universitaires grecs à partir des données de 260 000 foyers fiscaux représentatifs
Selon cette étude, les revenus des ménages grecs, qui étaient en moyenne de 23 100 euros avant impôts en 2008, sont tombés à 17 900 euros en 2012, soit une baisse de 23 %. Sur la période allant de 2009 à 2013, le recul des salaires et des revenus est de 19 %.
Surtout, plus les Grecs sont pauvres, plus ils ont vu leur revenu fondre : les 10 % des foyers les plus modestes (le 1er décile) ont vu leurs revenus avant impôt s’effondrer de 86 % entre 2008 et 2012. Pour les 2e et 3e déciles, la baisse a été respectivement de 51 % et de 31 %. Entre le 4e et le 7e décile, la baisse a été comprise entre 25 % et 18 %. Quant aux 30 % des foyers les plus riches, ils ont perdu entre 20 % et 17 %.
De l’autre côté de l’Atlantique, Wall Street.
28,5 millions de dollars pour les traders de Waal Street en 2014, soit une moyenne de 172 860 dollars par trader. Une modeste hausse de 3% par an ( !), comparée à l’évolution respective de leurs bonus de 19 et de 28% en 2012 et 2013. (Source : L’Obs, n°2628 du 19 mars).
Et en Belgique ?
Un article de L’Avenir du 2 avril retient mon attention : les Belges ont 57 milliards d’€ « aux Caïman », expression sibylline qui cache l’ensemble des paradis fiscaux de la planète.
Et nous voici 2 fois pénalisés par les banques : une première fois quand l’argent de la collectivité a été investi pour les sauver du gouffre en 2008 à cause de leur appétence pour le profit à tout prix et une seconde fois parce qu’elles créent les conditions pour favoriser l’évasion fiscale, au détriment des mêmes Etats.
Et pendant ce temps, les inégalités progressent.
Si je poursuis dans cette vision qui pourrait paraître pessimiste à certains, il est difficile de ne pas citer Naomi Klein, la militante canadienne de la lutte contre le réchauffement climatique. Sa thèse est que « les chocs créés par les changements climatiques vont être exploités pour créer une société toujours plus inégalitaire, en faisant main basse sur une part encore plus importante du secteur public et en s’en prenant aux droits de la majorité des citoyens. Il y aura un tout petit groupe de grands gagnants et une grande masse de perdants ». (Interview à L’Obs du 19 mars 2015). Sa description de la situation à La Nouvelle-Orléans après le passage de l’ouragan Katrina est éclairante.
Autre exemple : depuis 4 ans, la Californie est en proie à une sécheresse historique. Son gouverneur vient de décider d’une série de mesures pour limiter la consommation d’eau tant pour les particuliers que pour les agriculteurs. Mais curieusement, l’industrie pétrolière, énorme consommatrice d’eau, n’est pas visée par ces mesures.
Sur le long terme, une autre dynamique industrielle rend la problématique des inégalités aigüe avec l’automatisation de la société et la robotisation. Déjà bien lancée, avec de nombreuses pertes d’emplois, la robotique fait dire à deux spécialistes de l’étude de ce mouvement, l’économiste Robin Rivaton et le philosophe Bernard Stiegler : « Les gains de productivité seront importants. Et si elle est correctement distribuée, la richesse dégagée pour les consommateurs par cette nouvelle économie, qui fait baisser les prix, sera un moteur de croissance et d’emploi dans d’autres secteurs » ; « La redistribution est précisément le cœur du problème ! Si la part de la richesse qui va au travail continue à fortement régresser par rapport à celle qui va au capital -c’est-à-dire aux propriétaires des machines et des systèmes logiciels-, cette richesse ne profitera qu’à une très petite élite mondiale, au détriment des citoyens ordinaires ».
En 2013, L’IWEPS (Institut Wallon d’Evaluation, de la Prospective et de la Statistique) a réalisé une étude sur la pauvreté et les inégalités en Wallonie dans les différents domaines : revenus, logement, précarité énergétique, santé, activités culturelles et sociales, enseignement : http://www.iweps.be/working-paper-de-liweps-ndeg16
On pourrait ajouter d’autres inégalités parmi lesquelles l’accès à la justice et à l’univers numérique.
La création d’un observatoire permanent des inégalités – européen avec des ramifications dans les différents Etats- s’imposent de plus en plus pour servir de base permanente aux différentes politiques publiques.
C’est seulement grâce au suivi systématique des différentes inégalités que les citoyens pourront réellement mesurer les effets de l’action de leurs gouvernements sur ce terrain.
Il faut nuancer les propos. L’évolution générale des rémunérations du travail va vers un resserrement. Cela est dû à la démocratisation des études et à l’évolution des mœurs en général. Un médecin, un notaire, un ingénieur, un pharmacien, un directeur général gagnaient proportionnellement plus leur vie qu’un soudeur ou un magasinier ou un valet de ferme dans la passé que maintenant. Les connaissances font partie du capital et les travailleurs qui en sont les propriétaires en perçoivent la rémunération par une part dans le surplus de l’entreprise. L’enrichissement général peut augmenter les rentes tirées des produits qui ne sont pas reproductibles par un travail standard ou pour lesquels la contrainte à une production plus abondante n’est pas le temps de travail qu’on y consacre. C’est ce qui explique le phénomène très médiatisé des rémunérations des vedettes, des sportifs de haut niveau et de certains dirigeants d’entreprise, mais c’est une infime minorité. C’est ce qui explique aussi la montée de la valeur marchande des œuvres d’art, des grands crus, des terrains bien situés. Mais cette richesse est à somme nulle: le transfert d’un tableau de Monet n’est pas un échange économique et n’est pas repris dans la statistique du produit intérieur brut car il n’y a dans ce transfert aucune valeur ajoutée.
Les banques ont agi ainsi parce que leurs clients l’exigeaient. C’est les organes de contrôle qui n’ont pas fonctionné correctement, dont la commission bancaire et ce sont les clients des banques que l’on a sauvé. N’oublions pas que la crise est née de ce que les pouvoirs publics ont refusé de sauver Lehmann & Brother. Là est le vrai scandale et non l’inverse. Quant aux paradis fiscaux, on ne peut qu’espérer que la communauté internationale s’accorde sur les moyens nécessaires à son enrayement. Mais le soulagement d’un résultat en la matière ne sera réel que si ces fonds sont mieux utilisés que ce n’est leur cas actuellement, c’est-à-dire investis et non consommés en particulier dans la sauvegarde de l’environnement
La première action pour être concret, c’est d’ empêcher que cela ne continue, il faut arrêter les négociations du TTIP par tous les moyens car à part les multinationales tous les autres acteurs économiques politiques seront perdant économiquement socialement et environnementalement. Aucune alternatives n’est envisageable si nous voulons rester encore un peut digne.
https://stop-ttip.org/fr/
toutautrechose;be TAC reprenez votre société en main
Didier LOYENS