Casser les vitres de votre service

J’habite le Condroz namurois, une bien belle région faite de tiges et de chavées. Une région où les corbeaux freux ont pris l’habitude de nicher en colonies depuis des décennies. Leur croassement n’a pas l’élégance de la mélodie du pinson ! En discutant de cette situation avec un ami, celui-ci mettait en avant que notre région abrite le plus grand nombre de freux en Belgique et qu’en déménageant à 50 km de notre terroir, notre discussion n’aurait aucun sens. C’est ce qui justifie la protection de cette espèce par les arrêtés de la région wallonne.
C’est après ce court échange que j’ai repensé au concept issu de la PNL (Programmation Neuro-Linguistique) des positions perceptuelles, c’est-à-dire les positions à partir desquelles une situation est perçue : de son point de vue personnel, du point de vue de l’autre, du point de vue de l’observateur et du point de vue de l’organisation ou de la société tout entière. Dans le cas des corbeaux, ma position perceptuelle est celle de mon point de vue et les désagréments du cri des freux rendent difficile l’adoption d’une position plus large, à savoir celle de la société.
Les illustrations de la difficulté de basculer vers une position perceptuelle plus large et à partir d’elle, de changer de comportement, sont nombreuses : ainsi, l’évolution climatique et la difficulté d’impulser au niveau macro-économique une généralisation de comportements favorables à l’environnement. On entre dans le changement à petits pas. Toutefois, si un tsunami climatique se produit, il touche alors frontalement la position perceptuelle personnelle -là où la compulsivité est la plus grande- pour rejoindre celui de la société et provoquer un changement de comportement. Par exemple, les maisons sont alors reconstruites à plus grande distance de la côte.
Au niveau des organisations, favoriser la position perceptuelle de l’organisation tout entière et les comportements y associés est un enjeu majeur.
Dans le secteur public particulièrement, j’ai rencontré peu d’institutions qui n’étaient pas confrontées à ce challenge. Lorsqu’il existe un conseil d’administration, on pourrait imaginer que c’est cet organe qui soit à même d’impulser cette vision globale. Mais comme il est souvent composé de représentants de différents groupes sociaux (patronat, syndicats, représentants de partis politiques, …), l’obstacle est réel car leurs positions perceptuelles sont prioritairement celles des organisations qu’ils représentent. Une bonne solution est de prévoir un quota suffisamment large d’administrateurs indépendant créer cette bascule. Regardez la situation de nombreuses asbl : leur conseil d’administration contient nombre de bénévoles qui ont à cœur la défense et la promotion de l’association dans son ensemble et non la défense de points de vue particuliers.
C’est cela que j’appelle « casser les vitres de votre service » : entrer dans la position perceptuelle de l’organisation tout entière et non d’un service en particulier. Voici quelques pistes radicales pour y arriver, outre celle d’un changement dans les conseils d’administration lorsque celui-ci existe.
En premier lieu, revisiter les compétences individuelles des membres des comités de direction. Dans tous les cas que je connais, les membres des comités de direction ont des compétences verticales exclusives -ils couvrent la gestion d’une ou de plusieurs matières – ou des compétences transversales exclusives –budget, RH, TIC, logistique – . Le changement consiste à attribuer à tous les membres du comité de direction des compétences verticales et des compétences transversales pour qu’ils entrent dans un univers perceptuel élargi. Les domaines concernés par la transversalité sont nombreux, même dans les matières opérationnelles.
En deuxième lieu, réorganiser l’interaction entre les services opérationnels et les services d’appui (appelés aussi services de support). Cette intégration est généralement chronologique : un dossier, un projet est initié par un service vertical et lorsqu’il est suffisamment mûr, les services transversaux entrent en piste. Le changement consiste à associer systématiquement les services transversaux dès le début et créer une intégration simultanée et non plus chronologique.
En troisième lieu, organiser une politique RH créant la mobilité systématique du personnel. Malgré tous les efforts faits, la mobilité du personnel reste marginale car la politique RH n’a pas intégré ce vecteur dans son approche. La raison souvent évoquée est le besoin d’experts des différents secteurs vu la complexité croissante des matières. L’argument n’est pas faux mais crée les conditions d’une mobilité marginale. Casser cette logique implique une mutation systématique des cadres – à partir de directeur- tous les 5 ans au plus. Ceci va de pair avec une véritable planification des mutations et un plan de formation et de développement qui prépare le cadre à entrer de plain pied dans sa nouvelle fonction dès sa désignation. Cette mutation systématique favorisera à coup sûr l’efficacité de leur réseau et du dialogue au sein de celui-ci.

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